Du site LBR.ca, un bel hommage rendu à un homme simple, ¨mais ce n'était pas n'importe qui, c'était un facteur, un distribteur de lettres¨, écrit en début de commentaires son auteur ! Je vous laisse apprécier la suite...
¨Henri-Louis Renaud est décédé le 3 mars 2012.
M. Renaud, ce n’était pas n’importe qui. C’était un facteur. Un distributeur de lettres. Un de ces anonymes qui arpentent nos rues, beau temps mauvais temps, pour nous apporter lettres d’amour et factures, publicités et convocations, insanités politiques et bondieuseries sournoises. Il était un des artisans de cette snail mail, cette poste d’escargot que la communication électronique ou ce qui se fait passer pour de la communication dans le cyberespace est en train, tranquillement, d’assassiner, mais qui était une communication à pas d’homme, à hauteur d’homme.
M. Renaud était aussi une figure de légende : le «facteur cultivé». C’était du moins le surnom qu’il s’était mérité dans le milieu culturel de Saguenay. Car M. Renaud, tout simple facteur qu’il fût, était un homme effectivement très cultivé. Lorsqu’il m’arrivait de parler un peu avec lui, lors des retransmissions, en salle de cinéma, de tel ou tel opéra du Met, j’étais renversé par la connaissance qu’il manifestait de l’art, ô combien élitiste, diraient certains, de l’opéra. Mais cette culture, le surprenant M, Renaud ne l’exprimait que lorsqu’on lui demandait son avis. Car il savait bien que, comme le veut l’adage : «la culture, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale.» Il savait bien, surtout, que la culture, ce n’est pas ce qu’on sait, c’est ce qu’on veut savoir; c’est la curiosité, le désir de tout embrasser de ce qui constitue l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur.
Et de la curiosité, notre facteur cultivé en avait à revendre. Il allait à tout, d’une partie des Expos au Parc Jarry à une représentation de Tosca, à la Scala de Milan, quitte, dans ce cas, à coucher sur le trottoir pour pouvoir se payer le prix assez coûteux d’un spectacle dans l’un des temples mondiaux de l’art lyrique. M. Renaud allait à tout. Il n’est pas un seul jeune dramaturge de la région, pas un seul poète, pas un seul musicien dont il n’ait accompagné la carrière. Il était de tous les événements culturels et ratissait extra large : de la musique classique aux musiques de création et des Poèmes animés aux Vues animées. Comme autrefois le roi, on l’attendait pour commencer.
Bien qu’issu, moi aussi, d’un milieu populaire, mes parents, la gratuité scolaire intégrale décrétée et maintenue par un état responsable, et les circonstances enfin, tout cela m’a permis de devenir un universitaire patenté. Et de pouvoir déplorer le manque d’ouverture, de curiosité, en un mot de culture, de mes chers collègues, aussi bardés de diplômes que moi. M. Renaud, lui, n’avait pas de diplômes, il était facteur. Mais il était non seulement le facteur cultivé, il était, pour moi, le facteur culturel.
Le facteur culturel, en effet, c’est un indice, un signe, le facteur déterminant d’une vie qui ne veut pas se réduire à l’économique et au besoin. M. Renaud était, à lui seul, le démenti flagrant de tous les mensonges populistes qui taxent d’élitiste quiconque veut sortir un petit peu du rang de la rigolade et du festif obligatoire, ne plus se contenter de la soupe industrielle qu’on nous fourgue en guise de culture ou écouter une autre musique que les sirupeux rocks «de détente». M. Renaud, c’est bête à dire, avait encore du goût dans un monde de niches, de marketing et de produits d’appel¨... (Lire la suite)
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Pégé
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