Article paru dans un journal dans les années 2001-2002, par Hervé Fischer, écrivain québécois.
Incidemment, il est intéressant de constater qu`après plus de 12 ans où ce texte a été écrit, la perte de la mémoire collective de notre société ne cesse de progresser avec l`arrivée ininterrompue de ¨gadgets¨ électroniques où les échanges écrites entre individus sont de plus en plus éphémères.
¨ Perdre notre mémoire, au moment où le temps social et historique accélère vertigineusement, est périlleux. Quand nous sommes confronté à la vitesse, à l`inconnu, dans une aventure humaine de plus en plus audacieuse. Il devient plus essentiel que jamais de cultiver notre mémoire ; de savoir qui nous sommes et d`où nous venons, de garder la mémoire des leçons de l`Histoire.
C`est au moment où
nous avons le plus besoin de notre mémoire, face à un futur aventureux, que
paradoxalement nous risquons le plus de devenir amnésique, du fait de notre foi
numérique.
Non seulement, nous
avons plus besoin que jamais de musées et de bibliothèques traditionnels, mais
il nous faut établir un système fiable de normes et de règles internationales
de conservations de contenus numérisés. Ce pourrait être le rôle de l`Unesco
d`organiser la consultation nécessaire et d`instituer les règles
internationales dont le respect permettra de surmonter les risques encourus. Il
faudra réfléchir aux critères de sélection des archives que l`on numérise. Il
faudra s`assurer que les lecteurs et leurs logiciels demeurent compatibles, ou
que les contenus numérisés seront régulièrement mis aux normes des nouvelles
technologies, qui devraient demeurer soumises à l`agrément de l`Unesco.
Alors, et alors
seulement, on pourra faire confiance à la numérisation, et cela sans pour
autant réduire le rôle des supports traditionnels. Et l`on pourra vanter les
immenses avantages de la numérisation qui permet de mettre à la disposition
d`un public illimité, dans d`excellentes conditions de consultation, 24 heures
sur 24 et à distance, des documents innombrables et des archives fragiles,
désormais soigneusement conservées à l`abri de la lumière et des mains.
À ceux qui
s`inquiètent de l`avenir du livre, au moment où s`annoncerait le triomphe
d`Internet, il faut rappeler aussi qu`un nouveau médium ne fait pas disparaître
les précédents. La photographie n`a pas tué la peinture, bien au contraire, ni
la télévision, le théâtre ou le cinéma : ils les soutiennent. Le livre
numérique ne remplace aucunement le livre papier. Au contraire, il en assure
une meilleure promotion et distribution grâce au commerce électronique et il
permet des micro-éditions. Jamais on n`autant publié et lu de livres que de nos
jours. En outre, les nouveaux logiciels permettent de faire des recherches
efficaces dans les grandes encyclopédies et les corpus innombrables de textes
et d`images désormais entreposés en ligne.
Un dernier point : on écrit beaucoup sur écran, de plus
en plus et presqu`exclusivement de nos jours : mais on ne lira jamais
beaucoup sur écran, sauf les utilités
et le courrier. On continuera à imprimer pour le confort du lecteur. À cet
égard, ceux qui nous proposent de nouveaux modes de lectures assidus en
hypertexte, qui vont remplacer la lecture linéaire sur papier, - une
civilisation papier zéro – risquent
d`être déçus très longtemps encore¨.
Pégé
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